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LAST EXIT
8 septembre 2010

William Modolo "Je veux pas mourir"

Bien souvent on écoute les faits divers d’une oreille distraite, émettant parfois un « Ho ! » de circonstance quand il y a mort, et que cette dernière s’est déroulée dans des circonstances particulièrement atroces. Les médias appuient bien du pouce alors, sur ce mot « atroce », comme pour en extraire toute l’horreur et l’effarement qu’il suggère. C’est également souvent à l'annonce de cet adjectif honni, que l’ouïe s’affine, les gestes se figent dans leur élan, les sens sont en alerte, aux aguets de l’insoutenable, fin prêts à ingurgiter l’effroi dans toute sa misère, pour en oublier l’instant d’après son ciment. L’attention retombe alors froidement dans la mollesse, le quotidien nous rappelant à l’ordre de nos occupations pressées d’être avalées et recrachées chaque jour, nous appliquant à satisfaire la récurrence de ces tâches dont on ne sait plus si elles sont choisies ou imposées. Et puis, parfois, des relents d’horreur évoquée viennent nous hanter, à l’improviste, l’air de rien, et il faut bien continuer à respirer l’odeur humaine et sa lie, son monde de brutes et de fous, en envoyant balader au passage le par-delà bien et mal d’un Nietzsche bel et bien mort lui aussi, qui ne consolera de rien, et guérira encore moins.

Le procès des six personnes inculpées pour le meurtre de William Modolo vient de s’ouvrir. Un énième fait divers va donc venir grossir le nombre de centaines d’autres jalonnant le parcours historique de ce que l’homme est capable de faire à l’homme. Les faits sont terriblement ordinaires, la cruauté se confond dans un panel de personnages quelconques, abominablement banals, c’est ce qui choque, peut-être, sans doute, on ne sait pas. On constate juste que les poils se  hérissent sur les peaux et qu’un goût de sang envahit nos papilles, signe d’un besoin irrépressible de venger cette mort gratuite, besoin dont on sait pertinemment qu'il est aussi stupide qu’irrépressible.

A la Radio, ce n’est pas comme à la Télé, pas de  pastille indiquant que certaines scènes peuvent heurter la sensibilité des téléspectateurs. Les mots ne sont pas sensés tuer, alors, on ingurgite, on déglutit et on digère tant bien que mal les détails généreusement commentés des journalistes sur la mort du jeune William. Le cœur en éventail, on s’accroche, et on réprime difficilement une montée des larmes aussi fugitive que vaine. On s’aperçoit bien vite qu’il ne sert à rien de pleurer. On oublie donc, après tout c’est bien connu, l’enfer c’est les autres, et pour eux si possible. Pourtant ce n'est pas si simple. Les experts-psychiatres peuvent bien aussi une énième fois se perdre en conjecture moribonde, prétextant l’enfance traumatisante d’un tel, le parcours déstructuré d’un autre, les avocats justifier le crescendo de la violence par ce qu’ils appellent le phénomène de groupe, et les accusés se morfondre en plates excuses. Six individus pour un meurtre, une tranche d’âge de 24 à 57 ans, un père de famille, un fils d’avocat, une assistante maternelle, une jeune bourgeoise désoeuvrée et deux SDF. Voilà le joli panel de bourreaux, face auxquels, le dernier regard de William a été confronté. William Modolo, jeune homme de 21 ans, sans doute trop serviable dans un monde où il est de rigueur de piétiner l’autre pour se faire sa place, trop gros également pour répondre aux exigences d’une société prônant le culte de la minceur et du sport. Pas assez affirmé, trop quelconque William Modolo, trop décalé, exclu donc de la société du « tout pour réussir », suffisamment pour être mis à mort par des individus exclus eux aussi, ayant créé leur propre société parallèle en excluant à leur tour, moulés dans une marginalité, en fait, tellement conforme ; sous-traitants d’une société putassière, sans motif pour exercer leur haine, juste un insatiable besoin de dominer. Les bourreaux de William ? Que des êtres quelconques également, chacun cherchant sa place au sein du monde, à ceci près que William ne semblait posséder aucun goût pour le triomphe. Voilà qui mérite bien la mort. Pour ses meurtriers, avoir enfin sa place en ce monde, s’est résumé à exercer une domination, et s’accorder le droit de torturer et de tuer pour tromper leur désoeuvrement, l’ennui de boisson, de drogue et de Vivre.

La justice ne sera pas rendue, tout autant que les bourreaux de William ne seront pas excusés. Parce que la justice n’existe pas, tout comme la vie ne se rend pas. Et puis on peut bien être contre la peine de mort, et s’autoriser le meurtre en bouche, à notre tour, avec ce stimulant goût de sang, que cela n’y changera rien. Etrangement, si les journalistes n’ont pas été avares de détails concernant la mise à mort de William Modolo, le déroulement du procès quant à lui, est relativement sous-médiatisé. Peut-être parce que le fils d’un avocat connu est mis en cause, et puis aussi parce que le jeune William ne possédait sans doute pas une personnalité suffisamment attractive, ou une particularité susceptible de monter sa mort au pinacle de la médiatisation. William Modolo n’aura donc connu que le rejet et l’exclusion durant sa courte vie, pas le moindre élan de sympathie et une quasi-indifférence générale après sa mort et son insolente certitude. Rien ne lui aura été épargné, et les coupables sont bien plus nombreux que les six individus mis en cause dans son assassinat. La volonté de puissance, le pouvoir, l’égocentrisme, la consommation, la course à la réussite, le rejet systématique de tout individu ne répondant pas à ce que la société en exige, sont autant de coupables à ajouter à la liste des meurtriers du jeune William, mort pour rien, ou tout simplement pour satisfaire au rituel de ce que l’homme est capable de faire à l’homme.

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Commentaires
S
William repose en paix, nous sommes plusieurs a prier pour toi, et tu es toujours dans nos coeurs, je ne t'oublis pas, et je ne t'oublierais jamais par mes prières, repose en paix, et que tes tortionnaires ne trouvent jamais le repos.<br /> <br /> Sabrina
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M
Le soutien de William, je pense, n’est pas quantifiable, de même que la peine éprouvée par ses proches ne l’est pas non plus. En ce sens, vous avez raison, chaque personne compte et il y en a sans doute bien plus que les 11 400 que vous mentionnez, c’est tant mieux. Pour ce qui est d’oublier William, il l’était déjà sans doute avant sa mort, l’indifférence a fait le reste. Je parle ici de l’indifférence au sens large, sociétale, et rendue totalement imperméable au crime, lequel, revêt diverses formes. William n’a-t-il pas déjà, avant sa mort, été tué par le rejet...
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S
William, comme bien d'autres a été victime d'un sadisme de groupe, et il y en a de plus en plus en France, où des filles sont pratiquement toujours mêlées d'ailleurs, ce qui est tout simplement effrayant et indigne de notre société (ou du moins ce qu'il en reste...)<br /> mais nous sommes plus de 11000 à ne pas et à ne JAMAIS OUBLIER WILLIAM, et chaque personne de ce groupe compte!
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L
un bel article avec des mots juste, mais juste un point ou c'est faux, William n'est pas oublié et insignifiant pour la société, nous sommes là, soutenons sa famille, et relayons l'info, c'est les journalistes, qui n'y voient aucun interet qui zappe, mais pas toujours l'homme que nous sommes! <br /> <br /> merci encore pour lui
Répondre
L
un bel article avec des mots juste, mais juste un point ou c'est faux, William n'est pas oublié et insignifiant pour la société, nous sommes là, soutenons sa famille, et relayons l'info, c'est les journalistes, qui n'y voient aucun interet qui zappe, mais pas toujours l'homme que nous sommes! <br /> <br /> merci encore pour lui
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