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LAST EXIT
17 avril 2009

L'amour et Cecilia

femme___1_copierLa manière dont Cecilia se comportait dans l’amour reflétait aussi le contraste entre ces deux natures, l’une enfantine, l’autre féminine. J’ai souvent réfléchi sur son comportement et j’en ai conclu que Cecilia n’avait pas de sentiment et peut-être pas davantage de sensualité, mais seulement un appétit du sexe dont elle-même n’était pas tout à fait consciente tout en en subissant passivement l’urgence. Entre mes bras, elle se mettait dans la position du bébé qui ouvre, docile, sa bouche à la cuiller que lui tend sa mère, sauf que, chez elle, la bouche était le sexe et que c’était son amant qui lui donnait la becquée. La poétique et enfantine fragilité de son visage pâle et rond était en constante opposition avec la dureté, l’exigence et l’avidité qu’elle manifestait en me travaillant et se travaillant elle-même dans le but évident de me faire arriver à l’orgasme et d’en jouir à son tour jusqu’au dernier spasme. Les mouvements de son ventre qui, à mesure que l’étreinte acquérait rythme et force, se faisaient de plus en plus fréquents, avaient la puissance et la régularité d’un mécanisme désormais déchaîné qu’il ne dépendait ni de moi, ni d’elle, d’arrêter. Languissants, à peine perceptibles et comme paresseux au début, ils semblaient être à la fin comme les mouvements d’un compresseur qui se lève et s’abaisse avec une force automatique et infatigable. Pendant ce temps, son visage gisait pourtant, inerte, calme, détendu, sans curiosité et sans passion, plus enfantin que jamais avec ses grandes paupières baissées et sa petite bouche entr’ouverte ; une légère rougeur au sommet des joues indiquait seule que Cecilia ne dormait pas mais assistait, éveillée et présente, à ses propres sensations.

Albert Moravia, l’Ennui.

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