Agate

L'amour ne demande pas qu'on s'y ajuste.

Agate

La rupture a incisé dans ses plaies avec tant de férocité et en creusant si sauvagement qu’il s'est retrouvé en lambeaux, ses sentiments hachés en menus morceaux et le coeur réduit en poudre. La morsure du manque a rongé l’être de l’intérieur jusqu’à le vider de sa moëlle, l’amputant non seulement de toute volonté mais également du moindre désir. Par la suite, la privation de l’autre se manifesta par des assauts de douleur aussi successifs qu’impromptus, avec ses pics culminants, ses cruelles offensives à répétition le laissant prostré sur lui-même, pantelant, le regard fixe, les pensées broyées par un vide cosmique épuisant l’être dans ses soutènements les plus fermes. Il finit par s'étioler lentement jusqu’à devenir loque, fractionné en miettes éparses, entièrement livré au supplice de l’absence, cette dernière rognant son espace au point de ne plus lui laisser la moindre parcelle d’air respirable.

Puis un jour, il se réveilla, le teint diaphane, les joues encore creuses, vestiges du chagrin de la séparation... mais toujours vivant. Il eut le courage d’aller jusqu’à la fenêtre de sa chambre et de l’ouvrir, un peu d’air frais vint d'abord timidement lui chatouiller les narines puis l’éveiller totalement. Face à l’éclat de la lumière du jour, ses yeux lui firent mal, il les plissa plusieurs fois sous la piqure du soleil, puis s’adapta et les écarquilla tout en grand, prêt à manger le monde. Les couleurs lui semblèrent plus vives tout-à-coup, en une fraction de seconde il retrouva tous ses sens abandonnés hier dans l’épreuve. Voir, sentir, goûter, éprouver, honorer le monde devint une évidence, aussi incontestable que l’était son existence, là, maintenant. Il sortit complètement de son confinement, et courut se rouler dans l’herbe mouillée, en embrassant chaque brin, remerciant le temps d’être encore là et de l’avoir aidé à tamiser ses crises, en passant... puis inspirant une grande goulée d’air heureux, il sourit, enfin guéri...

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