envers et contre tout
Peler le futile, tailler cet excédent imaginaire et n’en oublier aucune peau, morte ou vive, émietter ce bonheur improbable et rafistoler son monde à l’aide de grosse ficelle. Entamer le trajet à l’envers et contre tout, de l’essentiel. Débiter les souvenirs en fines tranches, comme on déroule une pelote de laine, en ordre décroissant, avec la croissance de l’ogre, au rythme de l’angoisse, qui monte et qui descend, la scie des dents croquant la peur, écoulée en dents de scie, à mesure que le coeur assimile, engloutit et digère, les vestiges de secondes avalées en battements féroces, laissées en suspens par millions et inondées d’instants seuls.
Laisser la peau de l’histoire... tomber en pelures. Nu de chagrin, être fin prêt à dévorer, le visage émacié du temps, telle une bande magnétique, la tête fracturée, à mille endroits de la vie, déglutir le faux pour vomir le vrai, être prêt à faire avec, des reliques en guise de rêve, une pensée démembrée par l’errance, floutée dans ses fonds utérins, avec des bouts de mémoire oubliés en route, ou accrochés aux semelles, comme un humus poisseux, noir d’absence, enrubanné dans les ténèbres, être si parfaitement vide qu’il ne reste plus qu’à vivre.