Les dentistes ont les crocs !

Alors que les dents des plus nombreux se déchaussent à une prodigieuse vitesse faute de posséder le nerf de la guerre, d’autres s’allongent de jour en jour. Pendant que la corporation médicale continue de geindre et de pousser sa sempiternelle complainte sur des honoraires indignes de leur statut, les prolétaires se contentent de serrer les dents qui leur restent.

Nos professionnels de la roulette et des jérémiades ne seront ni les premiers ni les derniers, à prendre en otage le plus grand nombre afin d’arrondir leur portefeuille déjà fort garni. Ils pourront arguer de tous leurs crocs qu’il est grand temps pour la sécurité sociale de revoir ses remboursements en frais dentaires à la hausse, renâcler à faire des détartrages pour moins de 30 euros, vendre une couronne à l’équivalent d’un demi-SMIC alors que son prix de revient est de 90 euros. Sûr que la mauvaise foi ne les étouffera jamais.

On pourrait les féliciter de leur empathie à notre égard, si nous étions simples d’esprit, crédules, ou totalement naïfs, mais ce n’est guère le cas. Qu’on se le dise ! Pour nos grands pontes, nos dents peuvent bien tomber ! La hausse des remboursements, ce n’est pas pour notre beau sourire qu’ils la sollicitent, mais bel et bien pour pouvoir s’enrichir un peu plus encore en pratiquant des prix libres comme l’air, et honteusement gonflés. Nos chirurgiens du sourire nous feraient presque pleurer à chaudes larmes lorsqu’on apprend qu’ils ne gagnent que près de huit fois le SMIC (5000 euros pour un débutant). On serait tentés de les soutenir, et — pourquoi pas ? —, faire une quête si seulement leurs préoccupations dépassaient leur nombril. Une heure de soin inférieure à 75 euros relève pour eux de l’insupportable. Que diraient-ils d’un SMIC horaire ? Sans doute que toutes leurs saines dents en tomberaient d’un coup, quant à celles qui nous restent, elles n'ont pas fini de grincer.

Les agents de la propreté ont récemment fait grève afin d’obtenir un treizième mois. Leur salaire horaire ? 9,53 euros, en brut s’il vous plaît. Entendons bien que le but n’est pas qu’un dentiste s’appauvrisse au point de toucher cet équivalent ni que les hommes et femmes de ménage conservent cette peine plancher. Entendons seulement qu’il est plus que jamais nécessaire de mettre un terme à ces criantes inégalités que seulement quelques-uns entretiennent afin de nous diviser.