Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LAST EXIT
30 août 2008

le stagiaire et son ombre

Sorte de milieu entre le rien et le moins que rien, le stagiaire récure Tout et pourrait bien entreprendre sous peu de se frotter également tout le corps avec cette paille de fer réservée aux tâches tenaces qu’on exige qu’il nettoie sans broncher. Alors qu’il s’exerce à se dominer, le temps s’écoule au rythme du bon vouloir des capitalistes, puis à la dernière heure du jour, celui qu’on fait trimer gratuitement, se contente d’embrasser les encoignures de portes et compte laborieusement le nombre de fissures qu’il y a au mur en attendant docilement l’autorisation de pouvoir enfin disposer.

Plus loin, il y a les autres, une multitude de fantômes, les plus jeunes effrayés par une autre multitude de bruits, fantômes parmi d’autres fantômes forcés de marcher au pas dans un univers méphitique qui ne connait qu’exigeance et asservissement. Attelés chacun à une machine les forçant à suivre un rythme assourdissant, les ouvriers s’activent, le stagiaire lui, s’enlise, et vide les poubelles des bureaux feutrés de ceux qui croient décider, et qui ne sont que quelques valets de plus au service du Capitalisme.

L’entreprise n’autorise pas le stagiaire à être inexistant en revanche elle exige de lui qu’il soit insignifiant. Ainsi ce dernier mesure comme il le peut l’étroitesse de sa marge de manoeuvre, perdant son statut de fantôme qui l’a protégé pendant un temps pour embrasser celui d’un être désespéremment vivant dont on exige la présence tout autant que la transparence. Il déambule donc entre ce paradoxe de l’incontestable et de l’incontesté, courbant la tête dès qu’un de ses pas ose déborder de cette ligne qu’on a fixé pour lui. Alors que d’aucun se décident à le voir un jour et à l’ignorer le lendemain, il peine et s’échine dans la peine à récurer les sols et polir sa colère qui n’en finit pas de baver. Les petits matins frisquets et crépusculeux dès l’aurore lui donnent l’opportunité de saisir dans le fer et le feu les humiliations qu’il se doit de supporter sans ciller, car son statut de stagiaire ne lui permet rien d’autre. Il frotte et frotte encore, espérant balayer un peu de sa rage qui fébrilement murit, en badigeonnant les murs et les sols encrassés de tant d’années passées à l’ouvrage de la rancoeur et du tumulte.

Le stagiaire ressortira de l’entreprise comme un jouet cassé, des morceaux de lui resteront pour longtemps accrochés à ses murs infectés de tous les maux passés dans une apparente soumission et une secrète révolte. Les sols sur lesquels des crachats de haine ouvrière moisissent accueilleront également sa rage à lui, noyée parmi les autres, et une partie de lui sera définitivement absente au monde. Cependant l’autre partie bourgeonnera et attendra son jour, comme les autres.

montag

Publicité
Publicité
Commentaires






Publicité

Manipulation

Livres

Livres

Béacanal

Musique

Archives
Publicité