Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LAST EXIT
14 novembre 2008

Paris, Capitale du Capital fric et des ombres

lampad_re___1_copier

La nuit de cette vieille pomme s’entame à plein crocs et le quartier des affaires vomit à chaque crépuscule son flot de ploutocrates et de valets quotidiens, la tête encore fumeuse des chiffres du jour, les dollars flottants dans les yeux, la fluctuation du regard prouvant à quel point leur cerveau suit encore piteusement le rythme des marchés financiers des dernières heures, des derniers contrats souscrits et des dernières transactions effectuées. Tâter le pouls de la vie Parisienne, flairer des corps remplis de chair et d’os, s’imprégner de ses formes sursitaires, carcasses ambulantes et transitoires, courant jambes à leur cou comme si elles avaient le diable aux trousses, regarder courir ces costumes avec des hommes à l’intérieur, comme si la terre allait s’arrêter de tourner s’ils s’arrêtaient eux aussi, fait bien rire celles et ceux qui se savent mortels. Paris chérie ! Paris honnie ! Paris ville pour tout le monde, est devenue celle de personne.

Assistons au spectacle ! Regardons La Défense et son arche expectorer cette foule compacte, fourmilière d’un néant aux bottes souillées par l’inanité d’un quotidien aussi clinquant qu’absurde. Sortez ! sémillants comédiens dont la futilité s’est nichée jusque sous votre crâne ! Sortez ! le coeur effeuillé de chiffres et de fractions du jour, les tripes en éventail de tant d’opérations vaines et creuses ! Sortez donc de vos bureaux vernis, peintures à l’huile de l’illusion, ridicule apparat, obscur fétiche de votre vacuité ! affichez donc ce sourire métallique aussi gris que le gris de vos grosses cylindrées ! Rien n’empêchera les feuilles mortes de tomber cette année encore, ni la chrysalide de devenir papillon.

La nuit ronge. Le royaume des sybarites ouvrent les vannes, Paris s’enivre de débauchés petits-bourgeois et autres cadres supérieurs en quête d’innocence provinciale et de chair fraîche. Tout ce beau monde évite soigneusement les crottes de chiens et autres sacs en plastique avec des hommes à l’intérieur, parce qu’il n’y pas que des hommes à l’intérieur de costumes. Eventuellement ils enjambent ces masses informes allongées au pied de leurs pieds, pressés d’en finir avec ces trottoirs encombrés de scories navrant le paysage. Du coeur parisien s’écoule un pus bourgeois intarissable. Au petit matin, ils sont encore là à déguster un dernier verre à prix couteux pendant qu’à deux pas une main tatônne le fond d’une poubelle, à la recherche d’un vestige de la nuit qui servira de repas du jour. Un mégot encore fumant oublié par un pied distrait, un fond de bière laissé à l’abandon par lassitude ou par ennui raviront les papilles de fantômes trainant leur vie à la main, son poids leur sciant les doigts, les quais de la seine au bord des lèvres, avec, estampillée sur le front pour chacun d'entre eux, la marque universelle du rejet.

Bientôt les trottoirs seront débarrassés de ces déchets environnants, poubelles, cannettes, mégots, mendiants feront place nette aux rues afin que les talons de l’imbecillité bourgeoise puissent se poser sur un sol propre et sans accrocs. Les troncs des réverbères seront systématiquement dénudés de tout affichage conviant, on ne sait jamais, à une quelconque rébellion.

Paris au petit matin semble pure, sans entaille, d'un luxe à l'aspect chromé, moulée dans son absence, alors qu’elle est plus encrassée que jamais, de cette crasse invisible qui pourrit tout, comme des termites grignotant l’intérieur d’un bois verni. Prestige de l’apparence, tréfonds de l’abject, Paris flambe ourdée de guenilles ! Table rase a été faite des sédiments de la nuit, poussières d’amertume disséminées au gré du vent et folie passagère stoppée dans son élan par les garde-fou d’un capitalisme vorace. Les bourgeois finissent leur verre, le regard torve, adoptant l’attitude larvaire d'êtres oiseux, blasés, à la recherche d’un ailleurs forcément mensonger alors que nulle part leur ouvre grand les bras. Paris, ô Paris ! Qui sont tes véritables parasites ? Que cache-tu donc encore comme sorte de poux ? Combien sont-ils à odieusement ignorer les ombres alentour alors qu’eux-mêmes sont terrorisés à la seule idée de leur propre transparence ?

Les spectres plus loin n’ont décidément rien à leur envier, tous logés à la même enseigne dans la même nuit, face au même délabrement de l’esprit, sous un autre nom, sous une autre forme, avec toujours des morceaux d’existence accrochées à la peau, des croûtes épaisses qu’il faut enlever pour les uns, sans sourciller, alors que d’autres plus frileux se contenteront de panser leur bobo chez d’autres bobo, un brin tatillons quant à la nature des plaies à soigner. Plus loin, au cimetière, le mur des fédérés crie seul dans sa prison de pierre et invite à l’interrogation, une bourrasque de vent balaie un rideau de feuilles sur les pierres tombales et fige dans son élan des chuchotements vengeurs alors que le croassement des corbeaux clos définitivement tout espoir de réponse.

Publicité
Publicité
Commentaires
I
Superbe texte Montag. J'ai la faiblesse de penser que c'est à moi que tu fis le cadeau de révéler ta sensible et si pétillante féminité.<br /> <br /> A bientôt.
Répondre






Publicité

Manipulation

Livres

Livres

Béacanal

Musique

Archives
Publicité